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Excerpts from the letters between Francesco Algarotti (1712-1764) & lord John Hervey (1696-1743) [1737]

Transcription by Rictor Norton 

GIUSEPPE GORANI
(1740-1819)

Mémoirs secrets et critiques des cours, des gouvernemens, et des moeurs des principaux états de l’Italie, Buissonm, Paris 1793 (3 voll.).

Vol. 1

p. 179

L’Abbé Galliani

<Galliani racconta, NdR>:

"Dans mon jeune âge, on m’appelloit le petit Ferdinand. Un évêque, ami de mon père, lui dit: je ferais volontier un tour de promenade avec mon petit Ferdinand. Mon père, enchanté de l’honneur que me vouloit faire le saint prélat, me dit d’un ton pénétré: va, mon enfant, suis ce digne pasteur, il te guidera dans le sentier de la vertu. J’obéis; et MONSEIGNEUR, après un préambule très-flatteur, me déclara qu’il avoit conçu pour moi la passion la plus vive. Ses gestes ajoutoient à l’énergie de son discours. J’avois alors dix-sept ans, âge bien scabreux lorsque la nature nous a doué d’une figure aimable. Mais à cet âge même j’étois très-laid, et ne pouvois concevoir la possibilité de cette ardeur si vive. Monseigneur, répondis-je bien doucement, la passion de votre grandeur me paroît franchir les bornes du possible. Mon amour-propre en seroit d’autant plus flatté, que cela donneroit un démenti formel aux glaces sur lesquelles j’ose à peine jetter les yeux. Qui donc en moi a pu la faire naître? - Je vais te le dire, mon cher petit Ferdinand. Ce n’est pas la beauté corporelle qui m’attache à toi. C’est le tour //

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de ton esprit, sa vivacité, son brillant; ces son les connoissances que tu as su acquérir dans un âge si voisin de l’enfance. Tels sont, mon ami, les attraits qui m’ont séduit...".

Ainsi, dit en riant le mourant Galliani, la lecture des OEuvres de Virgile, d’Homère, de Démosthènes, d’Horace, de Ciceron, etc. me valut l’honneur d’être... aimé par un évêque. Digne récompense de tant d’assiduité! O destinée!!!

Vol. 2,

[Gorani raccolse queste impressioni prima nel 1779-1780, poi le aggiornò in vista della pubblicazione, facendo un nuovo viaggio nel 1790]

p. 36

On parvient à la Tiare par plusieurs moyens.

(...)

<da giovane il futuro papa> Braschi avoit un teint de lis et de roses, une figure charmante. La cardinal Ruffo, Napolitain, amateur des belles proportions dans les deux sexes, en devint passionnémment amoureux et le logea dans son palais; il fit la dépense de le faire entrer dans la prélature, lui fit donner en sus un canonicat dans l’église de Saint-Pierre, et lui laissa en mourant une pension. Puis Braschi devint l’amant de la maitresse du cardinal Rezzonico, neveu du pape; ce fut elle qui lui fit avoir la charge de grand trésorier... eccetera.

p. 211

Le cardinal Buoncompagno

Il aime les femmes, et même avec excès.

(...)

Sa manie de ne choisir pour ses valets que des très-beaux hommes l’a fait supçonner d’un goût anti-physique.

p. 229

Le cardinal Borromée

Ses goûts anti-physiques étoient connus; mais on ignoroit qu’ils fussent assez violens pour l’emporter sur l’avarice. Cependent la passion qu’il conçut pur l’un de ses domestiques, fils d’un charpentier, le porta à prendre soin de ce moderne Antinoüs; il le fit élever à ses frais, et le porta jusqu’aux honneurs de la prélature. Rome entière en causa, et l’on célébra le triomphe que la luxure venoit de remporter sur l’avarice d’une manière digne du coryphée.

p. 277

Le Prélat Ruffo

(...)

Ruffo est Napolitain et neveu du cardinal de ce nom qui fut le premier instrument de la fortune de Pie VI. Quoique le jeune Ange Braschi eût payé par des complaisances ultramontaines la protection dont cette éminence l’avoit honoré, il faut dire à sa louange qu’il conserva toujours de la reconnoissance pour celui qui lui avait frayé la route du trône. Dès qu’il fut élu pape, il combla de bienfaits le plus proche parent de //

p. 278

son protecteur, et lui donna la place très-lucrative de grand trésorier.

p. 298

La Surprise

On sait qu’à Rome, berceau de la religion chrétienne, les théâtres sont fréquentés même par les religieux de tous le ordres. On n’ignore pas davantage que les spectacles les plus châtiés sont entre mêlés de danses lubriques, et que les gestes les plus expressifs sont ceux qui reçoivent le plus //

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d’applaudissemens. Comme le gouvernement théocratique a voulu se distinguer des séculiers par une apparence de modestie, l’usage si justement abrogé dans les cours de l’Europe, de faire représenter les rôles de femmes par de jeunes garçons, s’y est conservé. Il est même devenu loi; et cette loi est d’autant mieux observée, que les Romains préfèrent les jouvençaux aux actrices les plus consommées dans l’art d’émouvoir les passions. J’ai été témoin des transports délirans auxquels se sont laissé emporter de graves prélats et des cardinaux dont l’apparente rigidité m’avoit frappé, lorsque ces objets paroissent sur la scène. J’ai entendu là, comme à Paris, et plus impudemment encore, répéter toutes les histoire et les anecdotes scandaleuses de ces histrions; et j’ai su, dans l’espace de quelques heures, les noms de leurs amans préférés, de ceux qui aspiroient à leurs faveurs, et enfin de ceux qui les payoient pour satisfaire leur goût et leur vanité. Ce penchant connu et avoué est presque général. On le nomme le péché noble, le péché gentil; et si l’on s’en defend, c’est si foiblement, avec une indolence si marquée, qu’il paroît//

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que l’on seroit bien fâché d’être pris au mot. Ces modernes Antinoüs, semblables à nos héroïnes de coulisse, causent la ruine de beaucoup de personnes, et l’on peut croire qu’ils ne sont pas plus scrupuleux sur l’article de l’interêt. Ces événemens, aussi connus à Rome qu’ils sont communs, servent de réfutation à l’argument de Lucien, qui prétendoit justifier la préférence des Grec pour cet amour, sur ce que ces adolescens n’avoient point encore acquis assez de ruse pour s’approprier les biens de leurs amans et les en dépouiller, comme font les femmes dont l’empire est plus dangereux.

Lorsq’un étranger est parvenu à s’attirer la confiance des Romains, ils ne se contraignent plus en sa présence, et parlent de cette sorte d’intrigue avec autant de chaleur, autant d’intérêt et aussi peu de réserve qu’on le fait en France pour les filles de spectacles. Ils l’admettent à la toilette de ces êtres amphibies; et c’est là où l’on voit jusq’où est porté chez eux la corruption des moeurs.

J’ai été du petit nombre des initiés; le secret de la toilette de ces idoles m’a été //

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dévoilé: mais ce qui me causa una surprise très-voisine de l’étonnement, ce fut de voir une dame s’occuper sérieusement de la toilette d’un jeune castrat qu’elle idolâtroit. C’étoit le second chanteur du théâtre de la Valle. Quoiqu’elle le chérît à l’italienne, et c’est tout dire, elle ne l’empêchoit pas de recevoir les hommages d’une foule d’adorateurs qui l’entouroient. Ce musico devoit jouer un rôle de femme; et il sembloit en effet que la nature, en le formant, l’eût destiné à cet emploi. Sa beauté, ses graces, le son de sa voix, tout aidoit au prestige. Assis devant una superbe toilette, il minaudoit, sourioit, et laissoit de temps en temps échapper quelques sons gracieux qui étoient aussi-tôt recueillis par ses amans. Tous, et parmi ces gens-là, j’ai vu des prélats du meilleur ton, et qui jouissoient dans le monde d’une considération qui contrastoit furieusement avec leur occupation actuelle, tous s’efforçoient par des soins empressés de s’attirer un coup-d’oeil. Attentifs aux besoins de l’idole, l’un lui présentoit une fleur, l’autre un diamant; d’autres quelques parties de l’ajustement convenable au sexe qu’il alloit représenter. Parmi ces adora-//

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teurs etoient deux hommes de quarante ans, et ce n’étoit pas eux qui offroient les moindres présens; car il faut savoir que cette parure brillante ne coûtoit rien ni à la maitresse de la maison, ni au jeune Antinou"s.

J’étois là, je regardois, j’écoutois, j’entendois, et je me croyois encore plongé dans un de ces rêves qu’enfante une imagination déréglée. Les services que tous ces imbécilles mitrés s’efforçoient de rendre à ce Ganimède étoient accompagnés de marques extérieures de respect semblables à celles des valets d’église lorsqu’ils habillent un prélat. Chacun cherchoit à surpasser ses rivaux, à mériter, à surprendere un regard; et ceux qui l’avoient obtenu en devenoient plus fiers.

Quant au jeune homme, la coquette la plus maniérée n’auroit pu se conduire avec plus d’adresse.

Enfin je sortis et fis part de mon étonnement à deux de mes amis établis à Rome depuis long-temps. Ils en rirent, et m’assurèrent que cet usage étoit commun, et que les castrats partagent les adorations des amateurs avec les autres jeunes gens que //

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la figure et les talens font admettre dans les théâtres, quoiqu’ils n’aient pas subi l’opération du Conservatoire.

Lorsqu’après avoir assisté à qualqu’une de ces toilettes on retrouve dans la société ces mêmes hommes, et qu’on les entend sévir contre les vices du siècle, contre les philosophes qui éclairent les peuples; lorsqu’on les voit prosternés au pied des autels s’acquitter avec recueillement de toutes les fonctions du ministère sacré; lorsqu’on réfléchit qu’ils s’arrogent le droit de représenter la Divinité, l’indignation saisit, et l’on voudroit avoir à ses ordres les cent bouches de la Renommée pour détromper l’univers qu’ils souillent par leurs vices, et sur-tout par leur hypocrisie.

Lorsque Voltaire a parlé des débordemens de Rome moderne, il ignoroit jusq’où ils s’étendent, parce qu’il est donné à peu de personnes de pouvoir s’en instruire par elles mêmes; et que celles qui ont pu acquérir ces coinnoissances ont cru ne devoir pas déchirer entiérement le voile qui les couvre.

Je n’aurois pas été tenté de le soulever, si l’intérêt de ma nouvelle patrie ne m’en //

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imposoit la loi.

 



L'Archivio di Storia Gay e Lesbica è a cura di Giovanni Dall'Orto

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